Le Lycéen Déchaîné

24 Janvier 2024

A la fin de l'année scolaire dernière, je suis venue visiter le lycée avec ma classe de 3e. Nous sommes allés découvrir l'option portugais. J'étais à côté d'un garçon qui s'est présenté sous le prénom Mathéo (nom de substitution). A la rentrée, je revois ce garçon avec l'un de mes amis, qui me le présente sous le nom d'Alissa, son deadname. Ce dernier me regarde avec gêne. Puis il sort son chevalet, sur lequel est écrit Alissa.

C'est quoi le deadname ?

D'après Wikipédia, le deadname "est un prénom assigné à la naissance et indiqué à l'état civil , mais abandonné par la personne pour choisir un nouveau nom qui correspond mieux à son identité de genre".

Aujourd'hui, entre 6000 et 9000 personnes demandent un changement de prénom, contre 2800 avant 2016. Savez-vous pourquoi ce chiffre est en hausse? Grâce à un changement de loi en 2016, vous n'êtes plus obligé, pour changer de prénom, de passer par un juge aux affaires familiales. On peut le faire tout simplement devant un officier d'état civil. Cela évite de dépenser de l'argent pour un avocat ou de passer par le tribunal. Je trouve cela très bien pour les familles peu fortunées, et cela donne une opportunité aux personnes ne voulant pas passer devant un juge.

Comment ne plus avoir son deadname à l'état civil ?

En général, la procédure prend un mois. La demande est remise à l'officier de l'état civil du lieu de résidence, ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé. S'il s'agit d'un mineur, la demande est remise par son représentant légal. En cas de refus, la décision rendue par l'officier de l'état civil peut être contestée devant le juge aux affaires familiales.

Comment les autres perçoivent cette procédure ?

Dans le milieu du travail, ce changement peut être compliqué. Par exemple, la semaine dernière, mon père et moi étions en train de parler de mon idée d'article. Il m'explique qu'en ce moment, c'est compliqué pour l'un des ses collègues qui est en transition. Ce dernier s'est vu refuser l'entrée à une réunion car sa carte d'identité ne correspondait pas à son genre, mais à celui qu'on lui a assigné à sa naissance.

Ce n'est pas simple non plus dans la vie quotidienne, comme l'explique très bien Delphine Philibert dans son témoignage Devenir celle que je suis (éditions Max Milo, 2011) :

"Longtemps, mes papiers d'identité n'ont plus été conformes, cela me valait des "Madame, je ne veux pas la carte d'identité de votre mari, mais la vôtre", et chaque fois j'étais dans l'obligation de me justifier. La première fois on rit, la deuxième on pleure."

Et enfin, bien sûr, dans la vie privée, avec son entourage, c'est aussi délicat, comme le dit Mathéo dans notre interview :

"C'est bizarre un jour, tu vas voir ta mère et tu lui dis "maman je me sens homme mais quand tu m'appelles par mon deadname, j'ai l'impression de ne pas être un homme".(...) "Et ta famille te dit que s'ils ne t'appellent pas comme tu le souhaites, c'est qu'ils font leur "deuil". Et à la rentrée quand tu corriges les profs, ils disent que si ce n'est pas marqué sur Pronote, ils ne peuvent pas t'appeler par le prénom que tu as choisi ." Mathéo

Après avoir questionné une secrétaire du lycée, je découvre qu'il est possible de faire modifier son prénom dans Pronote, avec l'autorisation des parents et de l'élève concerné. C'est une démarche assez exceptionnelle, mais qui s'est déjà produite.

Le fait que la procédure pour changer de prénom ait été facilitée est une bonne chose, mais il faut continuer, car même si ce changement est simplifié du point de vue administratif, il n'est pas toujours bien perçu ou accepté dans la réalité. Les mentalités doivent encore évoluer.

Daphné B.

Sources :

https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2023/01/12/ils-ont-change-de-prenom-j-ai-eu-l-impression-galvanisante-d-etre-puissante-parce-que-je-me-reinventais_6157601_4497916.html

Changement de prénom | Service-Public.fr

Deadname — Wikipédia (wikipedia.org)