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Législatives 2022 : l'union des gauches a-t-elle une chance ?

Ce n'était une surprise pour personne. Dimanche 24 avril, Emmanuel Macron a été réélu président de la République avec 58,5% des suffrages exprimés. C'est une victoire symbolique pour l'ultralibéralisme, qui, en instrumentalisant l'extrême-droite et le "réflexe présidentiel" de la guerre en Ukraine, a réussi à rééditer le match d'il y a cinq ans... sans réel programme, et au détriment du peuple et de sa colère. La gauche ? Balayée au premier tour, comme en 2002 et en 2017, malgré une percée finale de Jean-Luc Mélenchon qui, à 21,95%, a largement dépassé tous les adversaires de son camp politique, s'affirmant comme le troisième homme du scrutin. Il s'agissait déjà de sa troisième candidature.

Reste que les présidentielles ne sont heureusement pas les seules à déterminer la politique d'un quinquennat. Certes, l'hyperprésidentialisation de notre système politique accorde d'immenses pouvoirs à un seul homme ; certains parlent de "monarchie présidentielle", d'autres de "coup d'Etat permanent". Mais le président n'est pas le seul à décider, loin de là. Les élections législatives - désignant les députés, c'est-à-dire les élus votant les lois - des 12 et 19 juin sont également essentielles. Et, si la majorité présidentielle formée par En Marche, Horizons, et le Modem souhaite renouveler la large majorité qu'elle a obtenue il y a cinq ans, achevant une recomposition violente du paysage politique français, et achevant les partis traditionnels, il faut cette fois prendre en compte une gauche unie pour lui faire face.

Car si le danger, pour le mouvement d'Emmanuel Macron, venait de la droite et de l'extrême droite en avril, il provient aujourd'hui des idées opposées. Comme quoi, dire que la France se droitise est peut-être finalement une ineptie... 

Jean-Luc Mélenchon a en effet réussi un véritable tour de force ce dernier mois : fort de son résultat à la présidentielle, il est parvenu à réunir, sous l'égide de son parti LFI (La France Insoumise), plusieurs gauches dites "irréconciliables" : d'un côté, le Parti Socialiste, Generations.s (le mouvement de Benoît Hamon) et Europe Ecologie les Verts, européistes convaincus et partisans d'une réforme modérée du capitalisme, soit les représentants d'une "gauche de gouvernement" que les Français ont dédaignée en avril ; de l'autre, La France Insoumise et le Parti Communiste Français, bien plus critiques à l'égard d'une Europe peu sociale, et revendiquant un changement radical de système à travers des mesures plus fortes. Réunies sous la bannière de la NUPES (Nouvelle Union Populaire Ecologiste et Sociale), elles concourent ensemble pour les élections législatives, proposant des candidats communs dans chacune des circonscriptions.

Il faut dire qu'aucun d'entre ces mouvements n'a le choix : au lieu de s'entredéchirer, et forcés de cohabiter et de faire des concessions, les partis de la NUPES arrivent néanmoins, par ce biais, à peser dans la balance politique, et à avoir une chance de victoire.

Si ces "deux gauches" partagent des inimitiés, elles ont également un point commun : elles souhaitent limiter le "saccage social" initié par le gouvernement depuis 2017. Elles s'opposent également aux futurs projets d'En Marche : la hausse de l'âge de départ à la retraite à 65 ans, par exemple. Et partagent un programme. Ainsi, des mesures sociales seront, en cas d'élection des députés de la NUPES, mis en œuvre. Quelques exemples :

- Hausse du SMIC mensuel à 1500 € net

- Passage aux 32 heures hebdomadaires pour les métiers les plus pénibles

- Retraite à 60 ans avec 40 ans d'annuité

- La "Règle verte" qui inscrit le développement durable dans la Constitution.

Les partis composant la NUPES ne sont pas forcément d'accord sur tout, mais ils ont, en apparence du moins, réussi leur pari : mettre de côté leurs querelles d'ego, faire des concessions pour aboutir à un programme commun, qui partage globalement les mêmes objectifs, et au moins la même orientation politique.

Un autre enjeu de ces élections est évidemment la répartition des circonscriptions électorales. En effet, contrairement à un mode de scrutin "proportionnel" défendu par la NUPES, qui privilégierait l'élection des députés sur des listes nationales, les législatives suivent un vote local, qui élit pour chaque circonscription un député. Ce qui favorise les élus de la majorité présidentielle, puisque les résultats ne dépendent pas des pourcentages de vote de chaque parti, mais du gagnant de chacune de 577 circonscriptions… le report de voix de la droite profitant logiquement aux députés LREM, par proximité politique, on s'attend au deuxième tour, malgré la domination de la NUPES, à une victoire d'En Marche dans le nombre de députés ; un manque évident, selon les défenseurs de la proportionnelle, de représentativité politique. La NUPES enlèverait toutefois sa majorité absolue à En Marche et s'affirmerait comme la première force politique d'opposition

Électoralement, des problèmes se posent néanmoins pour la NUPES. En effet, si la majorité des pouvoirs locaux du PCF, LFI, EELV, et du PS se conforment à la nouvelle alliance, des rébellions éclatent, notamment chez certains, au niveau du PS, qui n'ont pas apprécié l'accord de leur parti avec LFI sur la "désobéissance" à certaines lois de l'Union Européenne libérale. Des ténors du parti, comme Bernard Cazeneuve, ont déjà, pour ces raisons, rendu leur carte. Cela aboutit à des candidatures dissidentes locales qui viennent fracturer l'union de la gauche face à l'alliance autour de LREM, voire face au RN, pour accéder au second tour. Une fragilité à nuancer toutefois, car des dissidences existent aussi du côté de LREM - pour ne citer que le sketch de Manuel Valls, ex-socialiste 100% recyclé défait dans les circonscriptions de l'étranger. LREM est aussi menacée par ses propres scandales, comme celui de Damien Abad, transfuge, lui, des Républicains.

L'assemblée nationale où les députés votent les lois

En conclusion, nous pouvons dire que cette alliance historique de toute la gauche sous l'égide de la NUPES, avec LFI en figure de proue, est sur la bonne voie pour réaliser un coup de maître : rafler, par l'union, une bonne centaine de circonscriptions législatives à la majorité présidentielle, pourtant ultra favorite. Une victoire de la NUPES imposerait constitutionnellement à Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs François Mitterrand et Jacques Chirac, une cohabitation, c'est-à-dire de nommer un premier ministre du parti remportant les élections. C'est alors Jean-Luc Mélenchon, leader de l'alliance, qui dirigerait le gouvernement français dans un tel cas de figure. Une première depuis vingt ans !

Reste à savoir si la gauche, unie dans sa diversité, sera capable de surmonter ses propres divisions pour gagner un combat qui, malgré le recul de la gauche aux présidentielles, semble très prometteur.

Tout le peuple de gauche attend en tout cas les avancées sociales considérables proposées par la NUPES, face à un macronisme toujours plus à droite - la nomination d'Elisabeth Borne, vectrice de "saccage social" au ministère du travail selon la NUPES, au poste de première ministre, le montre bien… Bref, tout le monde à la NUPES attend le V de la victoire.

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L
Un article qui explique vraiment bien les enjeux de ces élections, merci !
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